Loading
×

Les disparus et leurs familles : les oubliés de la révolution libyenne.


La Fédération Euro-méditerranéenne contre les Disparitions Forcées (FEMED) s’est rendue à Tripoli, en Libye du 6 au 9 mars 2013. Cette mission exploratoire facilitée sur le plan logistique et organisationnel par Human Rights Solidarity, association libyenne membre de la FEMED, avait pour objectif d’établir un premier contact avec les institutions nationales, les organisations internationales et locales, y compris avec les associations représentant les familles de disparus, de comprendre la nature de leurs activités, les contraintes que ces associations rencontrent et les défis à relever tant pour ces organisations que pour les familles de disparus.

Il est difficile d’obtenir des statistiques fiables et réellement représentatives du phénomène des disparitions forcées en Libye. Selon les autorités libyennes, près de 12 000 personnes auraient disparues depuis le 17 février 2011, et plus de 20 000 depuis 1969, date de la prise du pouvoir de Kadhafi en Libye.

Du fait du contexte politique qui prévaut aujourd’hui dans le pays, les familles de disparus se sentent délaissées, tant par le gouvernement que par les organisations internationales. Sur le plan légal, il n’existe pas en droit interne libyen de définition légale du disparu, même si selon la charia, une personne est reconnue légalement comme disparue quatre ans après sa disparition. En outre, il existe des discriminations de droit (liées à différents statuts personnels/nationalités mis en place durant l’ère Kadhafi et qui semble perdurer de facto) et de fait, les familles de martyrs des révolutionnaires semblent  favorisées dans l’octroi de soutien financier par rapport aux autres familles de martyrs ou de disparus.  

Autre pierre d’achoppement, qui risque de devenir assez vite un sujet de friction entre le gouvernement, certaines organisations internationales, les familles de disparus et les associations les représentant : la politique de communication officielle concernant le recours et les résultats attendus par la recherche des disparus par l’ADN. Les familles fondent d’énormes espoirs par rapport à cet outil scientifique, qui demeure un des moyens à disposition pour rechercher des informations (ante-mortem et post-mortem data) sur les personnes victimes de disparitions forcées. Cependant, les compétences en médecine légale en Libye sont très limitées et certaines spécialisations nécessaires ne sont pas disponibles (spécialistes en anthropologie légale, en archéologie légale, ou en enquêtes criminelles pour les charniers).

Enfin, peu d’associations représentant les familles de disparus  ont été formées à la question de la définition légale de la disparition forcée, de la documentation de cas individuels qui pourraient être soumis au Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires.

Ainsi et suite à ces différentes rencontres,la FEMED appelle les autorités libyennes :

  • Dissocier la question des martyrs de celles des disparus, par une séparation sur le plan institutionnel avec la création d’une commission portant spécifiquement sur les personnes disparues, avec un mandat large (ie depuis 1969 jusqu’à aujourd’hui), indépendante, neutre et impartiale, rattachée aux services du Premier ministre et travaillant en coordination interministérielle afin d’assurer une transversalité dans l’approche de la thématique des personnes disparues ;
  • Produire, avec l’appui des organisations locales et internationales, une évaluation des besoins des familles de disparus, suivi d’un plan d’action de réponse aux besoins identifiés;
  • Développer une stratégie de communication claire quant aux résultats qui peuvent être obtenus par l’ADN dans le cadre de la résolution de cas individuels, afin de ne pas donner de faux espoirs aux familles ;
  • Développer une stratégie de consultations et d’ateliers de travail sur le contenu d’une loi spécifique sur les personnes disparues, avec un calendrier.
  • Favoriser les échanges entre les familles de disparus et les associations représentant les familles autour de la Méditerranée, et faciliter les ateliers de travail entre les associations de la zone euro-méditerranéenne sur la question des disparitions forcées.

La FEMED salue la décision du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de visiter la Libye du  7 au 18 mai prochain.

Paris, le 19 mars 2013

Pour la FEMED,
Nassera Dutour, Présidente

Contact :
Secrétariat – 00 33 1 42 05 06 22
Nassera Dutour, Présidente – 00 33 6 13 07 29 13

Télécharger ici le communiqué de presse.

Téléchargez ici le rapport de mission.

PDF :
Tags :

Autres articles de la FEMED