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SYRIE : Halte aux arrestations arbitraires et aux disparitions forcées !


Le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’homme (REMDH), la Fédération Euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED) et le Centre de Damas pour l’Etude des droits de l’Homme (DCHRS) expriment leurs plus vives préoccupations face à la répression aveugle caractérisée par le recours systématique des autorités syriennes à des arrestations, des détentions arbitraires et des disparitions forcées[1].

Le mouvement de contestation continue de s’intensifier dans le pays. Les forces de sécurité procèdent actuellement à des vagues massives d’arrestations contre des personnes soupçonnées d’avoir pris part aux manifestations et poursuivent leur répression contre les blogueurs, journalistes, les militants politiques, les défenseurs des droits de l’Homme et des médecins.

De nombreux activistes étant contraints à la clandestinité, les services de sécurité arrêtent des membres de leurs familles lorsqu’ils ne se trouvent pas à leur domicile, y compris des femmes et des enfants. Dans une immense majorité des cas, nul ne connaît pour le moment les lieux où ont été emmené les personnes arrêtées ni les chefs d’accusation retenus contre elles ce qui confère un caractère de disparitions forcées a ces arrestations.De nombreux rassemblements de familles témoignent de l’impact psychologique de ces disparitions sur les proches des victimes qui se retrouvent démunis face à l’absence d’information sur la localisation de leurs proches et aux risques de torture auxquels ceux-ci sont exposés.

Selon les informations fournies par les organisations syriennes des droits de l’Homme, jusqu’à 500 arrestations arbitraires sont menées de façon quotidienne depuis que l’armée et les services de sécurité se sont déployés dans plusieurs villes. Au total, plusieurs milliers de personnes auraient été détenues.
Nos organisations s’alarment du recours aux arrestations arbitraires et aux disparitions forcées qui semble s’inscrire dans le cadre d’une stratégie délibérée et systématique de la part des autorités syriennes visant à intimider la population en la terrorisant, à mettre un terme à la diffusion d’informations, notamment de vidéos des mouvements de contestation relayées abondamment sur Internet et à empêcher les personnes malades ou blessées de recevoir les soins que leur état requiert.
Nos organisations rappellent que la Syrie est tenue de respecter le droit international et les Conventions auxquelles elle a librement consenti, dont la Convention Internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi » (Article 9.1).

Nos organisations demandent aux autorités syriennes :

  • De mettre un terme immédiat aux arrestations arbitraires et aux disparitions forcées.
  • De libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris les prisonniers d’opinion.
  • De garantir l’intégrité physique et psychologique des personnes détenues en mettant fin aux pratiques de torture et de mauvais traitements.
  • De signer et de ratifier la Convention internationale contre les disparitions forcées.
  • D’apporter totale coopération à la mission d’établissement des faits établie par la résolution du Conseil des droits de l’Homme en date du 29 avril, notamment en permettant l’accès à l’ensemble des lieux souhaités.

Nos organisations demandent au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies :
- De mettre en œuvre rapidement la résolution S-16/1 du 29 avril 2011 en envoyant une mission d’établissement des faits en Syrie.
- De tirer les conséquences de cette mission en réferant le cas échéant les éléments relatifs à la commission de crimes contre l’humanité au Conseil de Sécurité.

Enfin nos organisations demandent aux Etats de l’Union européenne :

  • De geler les avoirs des dignitaires syriens responsables de la répression.
  • D’instaurer une interdiction complète de visa sur le territoire de l’UE à l’encontre des responsables de la répression.
  • De mettre en place un embargo exhaustif sur le commerce d’armes avec la Syrie.
  • De convoquer les ambassadeurs de Syrie en Europe.

Pour plus d’informations, merci de contacter :

  • REMDH : Henriette Irminger Sonne, +45 30828337 et Shaima Abou Alkheir : +20 101077207
  • FEMED : Nassera Dutour, présidente : + 213 7 74 55 18 82
  • DCHRS : Radwane Ziadeh, directeur : + 001 571 205 3590

Informations complémentaires: depuis le 25 avril, les forces armées, les services de sécurités et les milices auxiliaires du régime (« Chabbiha ») ont successivement assiégé plusieurs villes où la mobilisation est importante. Après avoir encerclé la ville de Deraa, les services de sécurité se sont déployés dans de nombreuses villes comme Banyas, Homs, ou des quartiers périphériques de Damas (Douma, Harasta…), multipliant les intrusions dans les domiciles et les arrestations arbitraires. Il est pour le moment difficile de recenser le nombre de personnes arrêtées. L’organisation syrienne de défense des droits humains (SHRIL) a établi une liste de 1800 noms de personnes ayant été arbitrairement détenues, mais le nombre total est beaucoup plus élevé.

Copenhague, Damas, Paris, 5 Mai 2011

[1] Selon la Convention internationale contre les disparitions forcées: "on entend par disparition forcée l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi".

Voir le lien : http://www2.ohchr.org/french/law/disappearance-convention.htm

[2] Selon le DCHRS, au total, plus de 4000 personnes auraient été détenues. A Harasta, les services de sécurité ont arrêté le 24 avril un enfant de 14 ans ainsi que les trois frères d’une personne recherchée. Deux jours plus tard, dans la ville de Tal, un jeune homme de 21 ans a également été arrêté à son domicile alors que les services de sécurité recherchaient son père. Des arrestations de femmes, de mères, de filles de personnes recherchées ont également été reportées. Loin d’être isolés, ces cas sont emblématiques des pratiques des services de sécurité. De nombreux rassemblements de familles, inquiètes du sort de leurs proches, ont d’ailleurs été organisés dans divers gouvernorats du pays, comme dans la région de Banyas suite à l’arrestation de la quasi-totalité des hommes du village de Bayda le 12 avril, ou sur la place Arnous à Damas où des dizaines de femmes se sont, depuis le 1er mai, plusieurs fois rassemblées à proximité du Parlement pour demander la libération de leurs proches. Le gouvernement syrien a toujours refusé de faire la lumière sur les cas de disparitions forcées qui se sont produits massivement dans les années 1980, alors que des centaines de militants politiques réels ou supposés des frères musulmans ont disparu après avoir été arrêtés par les services de sécurité de l’Etat.

[3] Voir le rapport « Les années de peur », dans lequel Radwan Ziadeh dresse le lourd bilan de la pratique des disparitions forcées en Syrie dès le début des années 8 :
http://www.shrilsy.info/enshril/modules/tinycontent/content/Years%20of%20Fear%20-%20English%20Draft.pdf

 

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